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achevalier
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Questions pour ceux qui ont défendus la position "pour". Empty Questions pour ceux qui ont défendus la position "pour".

Mon Apr 17, 2023 12:01 pm
Bonjour à toutes et tous,

J'aimerais poser quelques questions à celles et ceux qui ont défendu la position « pour » (elles s'adressent à toutes et tous, puisque il n'y a pas encore eu de discussion sur une projet en particulier de défense du "pour" sur le forum).
Je lis dans vos argumentaires certaines justifications qui s'appuient sur le fait que ces langues n'étaient pas naturelles et, pour cette raison ou pour une autre, qu'elles n'étaient pas utilisées. Certains affirment aussi que les inventeurs manquaient de connaissances des réalités sociolinguistiques. D'autres s'appuient sur le fait que l'héritage de ces projets est à rebours de processus modernes en sociolinguistiques ou bien que ces projets apportent un éclairage qui reste très insuffisant sur ces mêmes processus.
Je voudrais poser trois questions :
Premièrement, en quoi la non-naturalité ou l'échec des projets feraient-ils de ces projets des éléments anecdotiques ? Je pense au contraire qu'une langue « créée » porte en elle de nombreuses implications sur ce que peut être une langue (un outil), sur ce qu'elle doit faire (permettre la science absolue, permettre la communication) et dans quel objectif (connaissance, paix civile), choses dont une langue naturelle (dans le sens où l'humain n'est pas intervenu à dessein sur cette langue) est nécessairement dépourvue.
Deuxièmement, si l'échec des projets vient d'une méconnaissance des réalités socio-linguistiques, cela doit-il pour autant les condamner ? Que les inventeurs méconnaissent le public réel d'une langue universelle n'implique pas que, du point de vue socio-linguistique, ces projets traduisent justement une vision radicalement nouvelle de ce que peut-être une langue, en lien avec un objectif social. Il me semble que c'est justement par leur nouveauté, par les présupposés et les objectifs qu'ils ont été les premiers à poser (que le langage puisse guérir la société par exemple), que ces langues imaginées restent importantes pour comprendre les processus linguistiques à l'époque moderne.
Enfin, ces projets, qui ont peut-être échoué dans leurs époques respectives, comme toute avant-garde, ne sont-ils pas les premiers signes d'une association entre le langage et un objectif politique et social ? Comment nier que les projets de langues s'intéressent tous à un mal (social, religieux, communicationnel, scientifique...), qu'ils cherchent à limiter, notamment en association avec le pouvoir en place ? A l'époque où les politiques linguistiques n'existent pas encore, ne peut-on pas voir dans ces projets linguistiques les premiers pas d'un mouvement qui verra dans le langage un objet de régulation des rapports sociaux et politiques ?

Bien à vous,

Alexandre Chevalier

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Lou Gavi
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Questions pour ceux qui ont défendus la position "pour". Empty Re: Questions pour ceux qui ont défendus la position "pour".

Thu Apr 20, 2023 3:29 pm
Bonjour Alexandre,

Ayant pris la position "pour", je ne me reconnais pas vraiment dans les arguments que tu critiques, je me permets néanmoins d'y répondre, certes pour défendre ma position mais aussi parce que personne n'a encore répondu à ton post pourtant intéressant à mon avis.

Il me semble que ta première remarque porte sur une opposition qui n'a pas vraiment lieu d'être. Si les langues universelles que nous avons étudiées en cours sont effectivement d'une certaine manière artificielles, je ne pense pas qu'il existe de langue sur laquelle "l'humain n'est pas intervenu à dessein". S'il est évident qu'une langue n'est pas qu'un simple outil de communication, les tentatives de rationalisation et de décontextualisation ont aussi eu cours sur les langues dites "naturelles". En ce sens, les tentatives de langues universelles ne sont que la version la plus extrême, presque caricaturale de ces opérations, qui, contrairement à la décontextualisation des langues dites naturelles, ne cachent pas leur objectif de tenter de "permettre la science absolue". C'est peut-être dans ce sens que ces tentatives seraient anecdotiques : l'approche plus directe (qui nous parait aujourd'hui ridicule : Kirsher et sa machine énorme, Wilkins et son inverse de chien...) qu'elles prennent rend leurs effets bien moins insidieux que des tentatives similaires opérées sur des langues que nous utilisons au quotidien au point qu'on les qualifie de naturelles, et les effets sociaux de tels processus ne sont que plus forts qu'ils sont invisibles...

Ce qui m'amène en fait à ta troisième (et un peu ta deuxième) remarque. Il me paraît difficile d'affirmer que l'émergence de la planification linguistique prend racine dans les projets de langues universelles. En retournant ta remarque sur elle-même, je proposerais plutôt la chose suivante : la création des États tels que nous les connaissons aujourd'hui à Westphalie et les différentes crises du XVIIe ont engendré un besoin de nouvelles politiques, dont des politiques linguistiques pour lesdits États. En résulte l'apparition de nouvelles épistémologies que l'on nomme moderne, dont les tentatives de langues universelles sont une manifestation. Si la manière moderne de concevoir le rapport entre langage et société est centrale pour comprendre les processus sociolinguistiques, les tentatives de langues universelles qui n'en sont qu'une manifestation parmi d'autres, qui ne sont qu'une réponse parmi d'autres aux différentes crises du siècle ne sont pas, à mon avis, le base de toute politique linguistique qui suivra. La multiplicité des approches, toutes anecdotiques puisque incomplètes, est à mon avis la clé pour comprendre les processus sociolinguistiques de l'époque moderne.

J'en viens à ma question, que j'aimerais poser à toi mais en fait à toutes les personnes ayant argumenté "contre", puisqu'il s'agit de quelque chose qui revient dans beaucoup d'argumentations que j'ai pu lire (je pense particulièrement à celle de Seïd). Vous montrez toustes très bien que les projets de langues universelles relèvent d'un contexte très précis, et, d'une certaine manière, l'idée que vous proposez est qu'en travaillant à l'envers, on peut se servir de ces projets pour comprendre le contexte dans lequel ils ont été pensés. Je souscris totalement à cette vision, mais il me semble alors que vous argumentez "pour" : la question qui nous est posée présuppose "la compréhension des processus sociolinguistiques du début de l'époque moderne" que l'on cherche à atteindre. Comment pouvez-vous alors atteindre cette compréhension, singulière et définie, de processus pluriels et indéfinis (sous-entendu, tous les processus) en accédant au débuts de l'époque moderne par des travaux que vous situez vous même dans des contextes extrêmement précis et qui émanent de positions situées d'un certain groupe de penseurs ayant une manière de concevoir le rapport entre langage et société (pour ne pas dire "idéologie linguistique") précise et commune ?

Bien à vous
Lou
saʕīd a-ssumāti
saʕīd a-ssumāti
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Questions pour ceux qui ont défendus la position "pour". Empty Re: Questions pour ceux qui ont défendus la position "pour".

Thu Apr 20, 2023 6:19 pm



Bonjour à vous deux et à toutes celles et ceux qui se joindront à ce fil,

Pour répondre à Lou, j'aimerais revenir à ce que tu dis ici :


Lou Gavi wrote:[L]a question qui nous est posée présuppose "la compréhension des processus sociolinguistiques du début de l'époque moderne" que l'on cherche à atteindre. Comment pouvez-vous alors atteindre cette compréhension, singulière et définie, de processus pluriels et indéfinis


Je pense que le procès que tu nous fais ici ne repose que sur la différence d'acception que tu accordes au terme «compréhension». Tu définis cette dernière comme étant une assimilation totale de l'ensemble des éléments constituant l'objet que l'on veut comprendre. Définition que tu présumes étant la nôtre avant de l'utiliser pour appuyer ton argumentaire se basant sur une prétendue incohérence de raisonnement.

Je tiens donc à clarifier ma position quant à la compréhension de «compréhension». Dans mon argumentaire, l'acception que j'adopte, certes sans l'expliquer, ne présuppose pas l'absoluité des résultats de l'acte qualifié par le terme. Ce que j'entends se rapproche de l'une des définitions que lui donne le Trésor de la langue française (voir ici une attestation d'usage et non un quelconque argument d'autorité) le qualifiant comme  la «faculté/action de saisir intellectuellement les causes et les conséquences qui se rattachent à telle chose et qui l'expliquent». Cette définition implique donc la faculté d'intellectualiser ces causes et conséquences et de les articuler avec les objets qu'ils expliquent sans jamais présupposer un besoin d'exhaustivité absolue de cette intellectualisation.

Cette compréhension, aucunement singulière ni absolument définie, n'est donc en rien en contradiction avec les objets qu'elle tente d'approcher qui eux sont, je suis totalement d'accord avec toi, pluriels et indéfinis.


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Lou Gavi
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Questions pour ceux qui ont défendus la position "pour". Empty Re: Questions pour ceux qui ont défendus la position "pour".

Fri Apr 21, 2023 5:56 pm
Cher Seïd,

Permets-moi tout d'abord de te remercier pour ta réponse qui, bien qu'étant écrite dans une police difficilement lisible, me paraît fort intéressante à condition que je plisse les yeux.
Selon la définition que tu proposes de la compréhension, tu conviendras donc certainement que lien que tu fais entre les projets de langues universelles et les processus sociolinguistiques n'émane pas d'une logique absolue mais d'une manière d'interpréter qui t'es propre. Ce faisant, en argumentant que les projets de langues universelles sont important pour que tu comprennes les processus sociolinguistiques de l'époque moderne, il me semble que le caractère anecdotique de ces projets dépend tout à fait de ce que tu souhaites faire entrer ou non dans ces processus sociolinguistiques. Si ces derniers sont considérés dans leur globalité, ne crois-tu pas que les projets de langues universelles, sans en nier l'intérêt, ne sont principaux que pour ta manière d'intellectualiser cette relation ?

Je te souhaite une bien bonne journée,
Bien à toi,
Lou
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Rafaello
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Questions pour ceux qui ont défendus la position "pour". Empty Re: Questions pour ceux qui ont défendus la position "pour".

Sat Apr 22, 2023 12:43 pm
Bonjour à toustes et à toustes,

J'arrive pour me disputer bien en retard, je dois dire, et je m'en excuse platement. Je lis vos débats avec intérêt et résonne avec nombres de choses qui ont pu être dites, notamment parce que je ne considère pas les tentatives de langues universelles comme anecdotiques.

Chère Lou, si je suis d'accord avec toi sur l'idée que les langues universelles ne sont pas "l[a] base de toute politique linguistique qui suivra", je ne pense pas que l'on puisse simplement dissocier les deux. Certes, il s'agit de projets aux ramifications et conséquences différentes, puisque motivées par des idéaux eux-aussi divergents, cependant, je ne vois pas en quoi ces réflexions initiales, portées par des intellectuels au sommet de sphères de savoir élitistes, n’ont pas d’une manière ou d’une autre contribuer à refaçonner l’imaginaire collectif des générations les ayant suivies. Encore une fois, l’usage des termes employés dans la question initiale est tout importance : qu’entendons-nous par « anecdote » ? Quel bon petit plaisir qu’est le mien de puiser dans des dictionnaires normatifs pour appuyer mes propos ; anecdote : « Petit fait historique survenu à un moment précis de l'existence d'un être, en marge des événements dominants et pour cette raison souvent peu connu. »

Nous nous entendons sur le contexte spatio-temporel de l’émergence et de la production de réflexions autour des langues universelles. Peut-on pourtant affirmer qu’il s’agit de considérations « en marge » d’événements dominants ? Ces questions métalinguistiques se situent en pleine révolution écolinguistique (Baggioni 1997) où l’endo-grammatisation des vernaculaires européens transforme progressivement nombres d’États européens (Auroux 1994). Effectivement, il ne semble pas que les tentatives de langues universelles soient très connues, mais les institutions scientifiques (càd de production de savoir normatif) étaient intimement liées aux pouvoirs politiques de l’époque. La Royal Academy semble bien le montrer, ne serait-ce que dans son nom même.

Ce que je cherche à comprendre donc, chère Lou, c’est comment ces réflexions au creuset des mondes scientifiques et théologiques de leur époque n’auraient pas pu, d’une manière ou d’une autre, influencer sur l’évolution des considérations générales et savantes à propos du langage les générations suivantes ?
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Naomi
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Questions pour ceux qui ont défendus la position "pour". Empty Re: Questions pour ceux qui ont défendus la position "pour".

Mon Apr 24, 2023 12:10 pm
Bonjour,

Lou, pour répondre à ta réponse à Seïd, même si la manière d'interpréter "n'émane pas d'une logique absolue", si les langues universelles peuvent contribuer à une compréhension, n'importe laquelle, des processus sociolinguistiques, pourquoi ce ne serait pas assez pour confirmer le caractère non anecdotique ? Pourquoi la compréhension doit-elle être universelle pour être valable ?

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Claudia Casadei
Claudia Casadei
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Questions pour ceux qui ont défendus la position "pour". Empty Réponse pour Alexandre (je suis avec toi)

Tue Apr 25, 2023 3:22 pm
Je ne défend pas le “oui”, mais j’ai bien aimé comment tu as traité le sujet de la non-naturalité du langage et je veux m’ajouter à la discussion pour porter des arguments à faveur du “non” (ma position).

Ce que je trouve intéressant par rapport à la question de la “naturalisé” de la langue, c’est le fait qu’au XVIIe siècle les scientifiques fassent un parallèle entre “naturel” et “unique”. Si on postule qu’une chose est naturelle, alors on doit pouvoir la retrouver dans tous les êtres et les objects du monde. Cette chose peut se montrer aux yeux des humains de différentes façons, mais elle dans son état original et une seule et unique. On peut faire cette réflexion pour les langues aussi : les langues du monde sont toutes différentes, il y en a quelques unes qui se ressemblent et d’autres qui ne se ressemblent pas du tout. Quelqu’un a donc bien pensé qu’on peut retrouver une langue originelle commune à tous les êtres humains, en présupposant donc une “nature commune”, un quelque chose de cache dans les êtres humains qui les rend tous similaires.

On voit clairement que dans cette quête de l’unicité, et donc dans cette quête du naturel, se cache l’un des types d’universalisme qui s’oppose à l’universalisme qui embrase la diversité.
Je soutien ta pensée : “une langue “crée” porte en elle des nombreuses implications implications sur ce que peut être une langue (un outil), sur ce qu'elle doit faire (permettre la science absolue, permettre la communication) et dans quel objectif (connaissance, paix civile)”. Une langue crée reflète cette quête de l’unicité et nous dit qu’est-ce que c’était “naturel”, “juste”, “clair”, “pur”, “scientifique”, “vivant” (ou ayant droit à vivre, ou pour aller plus loin ayant droit de parler et de prendre des décisions) à l’époque ou elle a été crée. Je pense qu’une réflexion et une analyse de la structure de ces langages est nécéssaire pour comprendre la vision (et l’organisation, et les injustices et la perpétuation de ces pensées jusqu’à aujourd’hui) du monde de classes dominantes au XVIIe siècle. What a Face

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